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Pénurie de sucre : Le Conseil économique, social et environnemental dédouane la CSS

Pénurie de sucre : Le Conseil économique, social et environnemental dédouane la CSS
C’est une délégation de près de 40 personnes qui a bravé la chaleur et la poussière pour visiter les moindres coins et recoins des installations de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), à près de 400 km de Dakar. Sur place, l’ambiance est celle des beaux jours. Des camions qui défilent devant des magasins où sont rangés des centaines de sacs de sucre. Des machines qui fonctionnent sans arrêt. Pour Woula Ndiaye, président de l’interprofession et membre de la délégation, «les images parlent d’elles-mêmes». Le problème, a-t-il reconnu, ce n’est pas la disponibilité du sucre, mais la distribution ou une mauvaise posture de certains commerçants. «Mais le produit est bien disponible et en quantité», a-t-il soutenu. Du magasin de collecte et de traitement de la canne à sucre à l’emballage, les usines fonctionnent à plein régime. La visite qui a duré près de deux tours d’horloge et une séance de questions-réponses de plus d’une heure ont permis aux responsables du Cese de faire un diagnostic sans complaisance. Selon le Secrétaire général du Cese, Dr Mame Anta Sané, il s’agit maintenant de faire des recommandations aux autorités pour une résolution définitive de la crise.

Les commerçants au banc des accusés

D’ores et déjà, a estimé Woula Ndiaye, étant donné que le sucre est disponible, il appartient au Ministère du Commerce, à travers la Direction du commerce intérieur (Dci), «d’accentuer la pression pour que les responsabilités soient situées. Selon lui, il n’est pas normal que les efforts de l’État soient sapés par «les intérêts d’un petit groupe». «Le sucre est disponible. Des documents avec des noms des clients attestant de l’effectivité des livraisons sont disponibles. Le problème est ailleurs. Il faut l’attaquer sans état d’âme pour le régler définitivement», a-t-il ajouté.

Pour son Directeur général, Frank Eba, dans sa volonté de faciliter la couverture du territoire, la Css a même élargi la liste des commerçants partenaires. Au départ, a-t-il soutenu, «nous vendions à un groupe puissant. Aujourd’hui, nous avons élargi à une vingtaine pour équilibrer la distribution. L’État du Sénégal a fait d’énormes d’efforts dans la subvention du sucre. Ils ne doivent pas être engloutis par un groupe de personnes». S’il est vrai que dans cette crise, les commerçants sont mis à l’index, il n’en demeure pas moins qu’ils ont vu leurs bénéfices considérablement réduits. Le constat est de Louis Lamotte. Selon le Directeur et conseiller spécial du Groupe Mimran, le Sénégal a les prix les plus bas de la sous-région. Et aujourd’hui, indique-t-il, dans la volonté de l’État de réduire les prix des denrées de première nécessité, les marges de bénéfices sont devenues plus faibles pour les commerçants. C’est pourquoi il a estimé urgent de réviser la marge des distributeurs. «Très souvent, c’est la faiblesse des marges qui favorise le marché noir. C’est l’État qui a homologué les prix. C’est à lui de revoir un peu ces marges», a-t-il suggéré.

FONCIER

La Css lorgne 3 000 hectares pour couvrir la demande locale

La Css peut faire plus et mieux que ce qu’elle produit actuellement. C’est la conviction du Directeur des plantations. Selon Mor Talla Sall, avec 3 000 hectares supplémentaires, la Css peut couvrir toute la demande nationale estimée à 200 000 tonnes. «C’est disponible dans la zone. Nous souhaitons impliquer les collectivités territoriales, parce que ce sont des investissements lourds. N’importe qui ne peut pas les exploiter. Les besoins en financement supplémentaire sont déjà disponibles», a-t-il ajouté

LOUIS LAMOTTE, DIRECTEUR ET CONSEILLER SPÉCIAL DU GROUPE MIMRAN

«Les commerçants veulent que la Css soit fermée»

Dans cet entretien, Louis Lamotte indexe clairement le rôle des commerçants dans ce qu’il est convenu d’appeler «la crise du sucre».

Le sucre est introuvable sur le marché, alors que vous dites que la production a augmenté à la Css. Où se situe le problème ?

Le constat est clair à notre niveau. Nous avons montré que nous produisons et que nous disposons de suffisamment de stocks. Le plus important à souligner aussi, c’est que nous écoulons beaucoup avec un doublement des livraisons. Mais le constat que tout le monde a fait, c’est que le produit n’arrive pas au consommateur. C’est un problème qui interpelle tout le monde. Notre production doit aller vers les ménages. Les commerçants, qui sont le trait d’union entre nous et les consommateurs, ont maintenant, pour des raisons inconnues, des difficultés à mettre la marchandise sur le marché, alors qu’elle est sortie de l’usine.

Où se situe le problème ?


À notre niveau, il y a des pistes claires. Nous sommes sans ambages. Nous savons que les commerçants ne sont pas contents des marges qui leur sont octroyées avec la dernière baisse du prix du sucre. Ils le manifestent, soit en se détournant du produit, soit en le détournant à d’autres cibles qui ne sont pas les cibles prioritaires, notamment les industriels où ils peuvent encaisser en plus des «bana-banas» des pays limitrophes qui ont des problèmes d’approvisionnement au niveau mondial où les prix sont quasiment incassables. Donc, ils se rabattent sur la production sénégalaise qui est bon marché.

De toute la Cedeao, il n’y a qu’au Sénégal où le prix du sucre est inférieur à 600 FCfa le kg. Par conséquent, ça attire tous ceux qui sont opérateurs et commerçants de la sous-région qui peuvent faire de très bonnes marges.

Si l’État a décidé de subventionner le sucre, n’est-ce pas pour qu’il profite aux consommateurs sénégalais ?

Depuis trois jours, nous avons mis en place un plan qui consiste à pister tous les grossistes à qui nous avons donné suffisamment de sucre pour nous assurer qu’ils ont répercuté les cargaisons vers le marché des ménages à travers les boutiques des quartiers. D’autant plus que c’est pour eux que l’État a fait ces efforts de subvention. C’est un préjudice aussi bien pour l’État que pour les consommateurs.

Mais est-ce que le problème ce n’est pas le fait que vous soyez aussi bien dans le segment de la production que de l’importation ?

C’est essentiellement les gens de l’Unacois qui le disent. C’est tout ce qui les intéresse dans ce débat. Nous, nous privilégions la production que nous faisons. Mais, puisque nous avons une marge de 15 à 20% du marché que notre production actuelle ne peut pas couvrir, quand nous n’avons plus de sucre en stock, c’est là que les importations sont ouvertes. Et quand elles sont ouvertes, elles sont réparties entre les commerçants et la Css.

Est-ce qu’elle ne devrait pas être laissée aux commerçants et industriels ?

Il ne faut pas oublier que nous employons 8.000 personnes, des salaires de près de deux milliards de FCfa… Nous avons donc besoin, même pendant cette période-là, de faire du chiffre d’affaires, ne serait-ce pour continuer à supporter nos charges. Eux, ils n’en ont pas du tout. Mais on n’en est pas là. Ceux qui en parlent, ce sont ceux qui n’achètent pas un seul kilo de sucre local et qui combattent la Css. Ils veulent que la Css soit fermée et qu’ils s’arrogent le pouvoir d’importer du sucre. Ils en sont incapables. Aujourd’hui, personne ne peut importer du sucre et le vendre bon marché sans les efforts et sacrifices de l’État sur les taxes et impôts.

Comment régler ces problèmes d’importation ?

Nous avons été clairs. Si nous avions ce que nous demandions, depuis cinq ans, nous aurions arrêté l’importation qui n’est que de 20% maximum. Aujourd’hui, si nous avons 3.000 hectares supplémentaires dans moins de trois ans maximum, nous serons autosuffisants. Le sucre sera le premier produit alimentaire sur lequel le Sénégal sera autosuffisant. Parce qu’il faut aussi préciser que sauvegarder l’outil de travail de la Css, c’est aussi sauver plus de 8.000 emplois. Nous sommes le premier employeur privé du Sénégal.

Donc, vous n’avez pas exploité tout le potentiel ?

L’usine est configurée pour faire 220 000 tonnes. Mais nous n’avons pas la canne à sucre pour exploiter tout ce potentiel. Nous avons déjà investi près de 222 milliards de FCfa qui attendent seulement que la terre soit disponible.

Quelle est votre position sur les Déclarations d’importation de produits alimentaires (Dipa) ?

En réalité, les Dipa sont utilisées aujourd’hui pour faire de la régulation. Mais le constat, c’est que nous ne sommes plus dans la régulation. C’est devenu un marché parallèle qui autorise des importations très élevées. Mais nous avons espoir qu’avec la volonté du nouveau Ministre du Commerce, l’ordre sera rétabli. Il faut que l’usage des Dipa soit un usage compatible avec les exigences du marché local. Elle doit être une exception. Quand on donne des Dipa, ça doit être pour des volumes qui couvrent le gap, mais pas pour inonder le marché et plonger le producteur local dans la mévente. C’est ce que nous dénonçons depuis 2012.
leSoleil

Ndèye Fatou Kébé il y a un an - @Actualité

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