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TotalEnergies : échauffourées et gaz lacrymogène avant une assemblée générale

Des dizaines de militants pour le climat ont tenté de pénétrer dans le tronçon de rue passant devant la salle Pleyel, où s’est ouverte l’assemblée générale du groupe, à Paris. Les policiers ont projeté du gaz lacrymogène sur des militants qui s’étaient assis par terre.

TotalEnergies : échauffourées et gaz lacrymogène avant une assemblée générale

il y a 6 jours - @Actualité

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Avant l’ouverture de l’assemblée générale de TotalEnergies, le 26 mai 2023, à Paris.

L’assemblée générale (AG) annuelle de TotalEnergies s’est ouverte, vendredi 26 mai, vers 10 heures, en dépit de tentatives de blocage par des militants du climat, maintenus à l’extérieur par les forces de l’ordre. « Nous le regrettons, nous avons dû prendre des mesures exceptionnelles tant dans l’appel aux forces de l’ordre que d’un contrôle strict d’accès à cette assemblée », a déclaré le président-directeur général, Patrick Pouyanné, en ouvrant la séance.

« Un certain nombre d’organisations ont annoncé vouloir perturber l’assemblée et nous avons donc pris des mesures pour qu’elle puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles. » Dès l’aube, avant l’ouverture de l’AG, des échauffourées ont éclaté entre manifestants pour le climat et forces de l’ordre, tandis que des actionnaires en désaccord avec la politique climatique du groupe français spécialiste des hydrocarbures sont aussi présents.

Des dizaines de militants ont tenté de pénétrer dans le tronçon de rue passant devant la salle Pleyel, où doit se tenir l’assemblée générale du groupe, dans les beaux quartiers parisiens. Quelques-uns d’entre eux, qui s’étaient assis devant l’entrée, ont été délogés par la police, donnant lieu à des échauffourées. Les policiers ont également fait usage de bombes lacrymogènes.

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Après trois sommations en moins d’une minute par haut-parleur, les forces de l’ordre ont projeté du gaz lacrymogène au milieu d’un groupe de militants qui s’étaient assis par terre. Une coalition d’ONG avait appelé à bloquer la réunion et des dizaines de militants occupent les entrées de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, chantant notamment « ce qu’on veut, c’est renverser Total » et « un, deux et trois degrés, c’est Total qu’il faut remercier ». Quatre personnes ont été interpellées « à ce stade », selon la police.

« On ne comprend pas cette violence »

« Dès qu’on est arrivés à 6 heures, il y a eu une répression policière énorme, on s’est fait gazer, on s’est fait marcher dessus… Pourtant on est non violents », dénonce Steven Sasha Arfeuille, porte-parole d’Alternatiba. Les CRS, déjà présents dans la rue avant l’arrivée des activistes, ont envoyé deux grenades lacrymogènes sur les militants, « dont l’une a rebondi sur la casquette d’une militante et a brûlé la jambe d’une autre », raconte Hélène Martinelli, militante à Alternatiba Paris. Elle-même a été poussée violemment au sol, se blessant les genoux.

« On ne comprend pas cette violence des forces de l’ordre envers des militants pacifistes pour défendre une entreprise privée qui détruit l’environnement et bafoue les droits humains », abonde Juliette Renaud, chargée de campagne aux Amis de la Terre, citant le mégaprojet d’oléoduc pétrolier Eacop en Ouganda et en Tanzanie qui a délogé plus de 100 000 personnes, qui n’ont pas encore toutes été dédommagées.

Des manifestants pour le climat délogés par des gaz lacrymogènes avant l’assemblée générale de TotalEnergies, le 26 mai, à Paris.

La situation restait tendue aux alentours de 8 heures, avec des forces de l’ordre tentant par intermittence de déloger les militants. « On ne peut plus laisser les entreprises détruire le vivant impunément. C’est légitime de venir manifester de manière non violente. Les pratiques des forces de l’ordre qui protègent la première entreprise pollueuse de France sont dramatiques. La légalité est de notre côté. C’est aussi une protection du droit », assure Marie Toussaint, députée européenne écologiste venue soutenir l’action.

Le gouvernement presse Total d’aller « plus vite » sur les renouvelables

La réunion de TotalEnergies arrive à la fin d’une saison d’AG houleuses, où des militants ont multiplié les actions contre les grands groupes, comme chez les concurrents Shell et BP ou la banque Barclays, accusée de financer l’expansion de projets d’hydrocarbures. Le tout sur fond de profits faramineux : ensemble, les majors BP, Shell, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies affichent plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre, après une année 2022 grandiose.

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Signe des tensions attendues, TotalEnergies prévoyait d’interdire aux actionnaires et aux journalistes d’utiliser leurs téléphones portables, et de les obliger à laisser certains effets personnels à l’entrée. Le groupe veut surtout éviter le scénario chaotique de l’année dernière, quand des militants d’ONG avaient empêché des actionnaires d’assister à l’AG.

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Vendredi, la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a appelé le groupe à aller « plus vite » dans le dossier du développement des énergies renouvelables. « Total investit dans les énergies renouvelables, mais l’enjeu, c’est d’aller plus vite, plus fort et surtout plus rapidement », a déclaré la ministre, sur Franceinfo, appelant l’énergéticien à « mettre le paquet » sur les énergies renouvelables.

Parmi les sujets brûlants, les quelque 1,5 million d’actionnaires individuels, présents ou en ligne, sont justement appelés à voter sur une résolution consultative émanant de l’organisation d’actionnaires activistes Follow This, qui s’attaque principalement aux émissions indirectes de CO2. Autrement dit celles liées à l’utilisation du pétrole par ses clients dans les voitures ou pour se chauffer (scope 3 dans la comptabilité carbone), l’équivalent de 85 % de son empreinte carbone.

Conflit autour de deux résolutions climatiques

L’organisation demande à Total d’aligner ses objectifs de réduction sur l’accord de Paris de 2015, afin de limiter le réchauffement planétaire à + 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Parmi cette coalition de 17 investisseurs qui détiennent près de 1,5 % de TotalEnergies figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM, La Financière de l’Echiquier.

Le groupe recommande de voter contre, jugeant la résolution « contraire aux intérêts » de TotalEnergies, « de ses actionnaires et de ses clients ». La major va néanmoins faire valoir ses efforts pour le climat et appelle ses actionnaires à « voter en faveur » de sa propre résolution climatique. Cette stratégie officielle se concentre surtout sur ses émissions directes, issues de ses opérations et celles liées à l’énergie qu’elle consomme (périmètres dits du « scope 1 et 2 »).

Même si le groupe n’envisage pas de baisser drastiquement ses émissions directes au cours de la décennie, il entend consacrer un tiers de ses investissements dans les énergies bas carbone et atteindre 100 GW de capacité d’électricité renouvelable d’ici à 2030. « Ce sont les revenus des hydrocarbures qui nous permettent d’investir massivement et de développer les renouvelables », a fait valoir le PDG, Patrick Pouyanné, mercredi dans une interview au magazine Challenges.

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Le groupe est présent dans de nombreux projets de gaz naturel liquéfié et de pétrole, aux Emirats arabes unis, en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda. « On [n’]a pas su anticiper », a concédé M. Pouyanné à Challenges au sujet de cette polémique, qui s’ajoute à bien d’autres pour le groupe, aussi critiqué pour son bénéfice record de 20,5 milliards de dollars (19,12 milliards d’euros) en 2022, ses impôts en France ou le salaire du PDG. Une hausse de 10 % de sa rémunération pour 2023 est d’ailleurs à l’ordre du jour de l’assemblée générale.

Audrey Garric (avec AFP)

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