
C’est une découverte inattendue qu’ont faite les enquêteurs, au détour de leurs investigations qui ciblent, pour blanchiment, le groupe mafieux ajaccien du Petit Bar. Des échanges de messages, de 2012 à 2017, entre Johann Carta, un gérant de paillote de plage soupçonné par la justice d’être devenu « l’intendant du Petit Bar », et Patrick Strzoda, actuel directeur de cabinet du président de la République.
Selon les éléments du dossier judiciaire, dont Le Monde a eu connaissance, ce dialogue a eu lieu par le biais de textos. M. Strzoda a été préfet de Corse-du-Sud de 2011 à 2013, puis celui d’Ille-et-Vilaine jusqu’en 2016, avant de devenir directeur du cabinet de Bernard Cazeneuve, au ministère de l’intérieur, puis à Matignon en 2016. En mai 2017, il a rejoint Emmanuel Macron à l’Elysée.
La justice ne l’a pas entendu sur ses échanges avec Johann Carta, dont le contenu n’aurait rien d’illégal. M. Carta, pour sa part, a été incarcéré, en novembre 2022, pour « extorsion », « escroquerie » et « blanchiment en bande organisée » dans le cadre de la gestion du club de football du Gazélec Ajaccio, qu’il présidait depuis l’été 2022.
M. Carta est par ailleurs cité dans une enquête sur d’éventuelles pressions sur des jurés d’un procès d’assises, à Ajaccio, dans lequel comparaissaient des proches du Petit Bar. Leurs noms avaient été trouvés, en 2021, dans son téléphone. Le même appareil contenait également l’enregistrement d’une conversation, en 2019, dans laquelle il tente de dissuader Jean-André Miniconi, principal concessionnaire automobile de l’île, de se présenter aux élections municipales d’Ajaccio contre Laurent Marcangeli, le maire sortant.
« Un contrat de confiance »
Joint par Le Monde, le directeur du cabinet du chef de l’Etat confirme le contenu des messages. Ils concernent, dans un premier temps, la paillote de M. Carta, A Pineta, installée illégalement sur le domaine public maritime au sud de la baie d’Ajaccio, puis des questions relatives au plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Coti-Chiavari (Corse-du-Sud), où se trouvait l’établissement. En 2012, une forte pression était exercée par l’association environnementale U Levante et le gouvernement pour faire reculer les atteintes à la loi littorale.
Le contentieux porte alors sur cinq paillotes, dont celle de M. Carta. La justice administrative les a fait condamner, encore fallait-il contraindre les propriétaires à démanteler des installations aussi lucratives qu’illégales. « J’ai rencontré chaque propriétaire, dont M. Carta, son dossier était le plus difficile à traiter et celui sur lequel l’Etat était le plus attendu, détaille M. Strzoda au Monde. C’est là que s’est noué avec lui un contrat de confiance car il a respecté sa parole, notamment en démontant sa paillote ; je lui ai laissé mon numéro de portable et nos contacts ont duré jusqu’en 2017. J’ai eu deux ou trois échanges écrits après mon arrivée à l’Elysée », assure-t-il, « de mémoire », car son propre téléphone lui a été dérobé en octobre 2022.
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